Dobermann Club de France

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Le Dobermann et l'enfant

Auteur : Docteur Thierry HABRAN
Diplômé de l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort (1982)
Vétérinaire Comportementaliste.
Diplômé des Ecoles Vétérinaires de France (2000)
Consultant à "France Bleu - Alsace"

LE CHIEN ET L'ENFANT : pour une cohabitation harmonieuse
En France près d'un foyer sur deux possède un animal de compagnie.
Avec environ 9 millions de chiens, notre pays est en Europe la nation où le taux de possession est le plus élevé (le deuxième au monde derrière les USA).

Le chien est considéré de plus en plus comme un membre de la famille et nombreux sont les parents qui voient en lui un allié utile à l'éducation de leurs enfants. Une enquête récente sur les motivations d'achat montre que dans 19% des cas , le chien est acquis pour faire plaisir aux enfants.

Les bienfaits de la présence d'un chien pour un enfant ne sont plus à démontrer, néanmoins la cohabitation est loin d'être idyllique puisque 45% des enfants de 4 à 18 ans déclarent avoir déjà été mordu par un chien. On recense en France officiellement 200000 morsures de chiens tous les ans, et celles concernant les enfants sont pour plus de la moitié infligées par le chien de la famille. Or quand on sait que seulement 30% des morsures sont présentées à un médecin et donc recensées, on comprend bien que la cohabitation du chien et de l'enfant n'est pas toujours idéale.

Beaucoup de propriétaires de chien ont peu ou pas de notions d'éthologie animale. Le but de cet exposé est d'aborder l'aspect comportemental des relations chienenfant (nous n'aborderons pas les aspects sanitaires, infectieux ou parasitaires). Finalement, qui sommes nous pour nos chiens, comment considèrent ils nos enfants ? Quelles mesures prendre pour assurer une parfaite entente ?

QUELQUES RAPPELS ETHOLOGIQUES
Le chien est un animal social obligatoire qui vit en meute.
Sa socialisation aux humains est possible et il assimilera sa famille d'accueil à une meute. Cette " famille meute " fonctionne pour le chien avec les mêmes règles qu'une meute, ce sera donc une structure sociale hiérarchisée avec des dominants et des dominés. Un chien n'est pas dominant de naissance ; il le devient par l'acquisition d'un certain nombre de privilèges par rapport aux autres membres du groupe :

· Privilège alimentaire : le dominant mange en premier, lentement, sous le regard des dominés auxquels il abandonne ses restes en fin de repas.
· Privilège spatial : le dominant gère l'espace et les déplacements des individus au sein de cet espace. Il occupe les positions stratégiques lui permettant de surveiller tout le monde.
· Privilège sexuel : c'est le couple dominant qui assure la descendance du groupe. Seul ce couple a droit à une sexualité publique. Si une femelle dominée fait des petits, la femelle dominante peut les tuer ou se les approprier .
· Privilège d'influence : le dominant décide, c'est lui le chef qui choisit de régler les contacts et les activités (jeux, chasse).

Les mêmes règles régissent les interactions avec les humains. On comprend dès lors qu'un trop grand laxisme alimentaire ou une trop grande permissivité quant aux endroits autorisés au chien peuvent facilement et rapidement l'amener à se percevoir comme dominant dans sa famille meute, et se comporter comme tel.

COMMENT LE CHIEN PERCOIT-IL L 'ENFANT ?
Le chien perçoit l'enfant comme un individu de sa " famille meute " et son attitude va évoluer en fonction de l'âge de l'enfant.

Un bébé qui marche à quatre pattes est pour un chien un être étrange aux gestes incoordonnés et malhabiles. De plus il ne répond ni aux sollicitations du chien ni à son langage. Par ailleurs ce nouveau venu est devenu le centre d'intérèt de la famille, ce qui perturbe obligatoirement les relations entre l'animal et ses maîtres.
Lorsque l'enfant grandit et jusqu'à la puberté il sera assimilé à un chiot dans la hiérarchie. Le chien sera tolérant vis à vis de lui à condition que la hiérarchie soit respectée. En effet, dans la meute, les chiots respectent l'autorité et la préséance des adultes et le chien attend la même chose de l'enfant.
Au moment de la puberté, l'enfant change de statut pour le chien. Il devient un adolescent qui va intégrer la hiérarchie. Le chien voit alors en lui un challenger qui peut prendre sa place. Les conflit peuvent apparaître à ce moment.

Le grand adolescent est quand à lui considéré comme un collatéral dans la hiérarchie. Il y a donc risques de conflits hiérarchiques entre les individus de même sexe. A l'inverse une forte complicité peut s'établir entre un chien et un adolescent de sexe opposé. Il se crée alors un sous groupe hiérarchique et les agressions peuvent être dirigées vers les adultes (les parents).

LES ACCIDENTS
Si les bousculades entre un chien et un enfant peuvent parfois être violentes (notamment si le chien est hyperactif), les morsures peuvent être bien plus dangereuses surtout avec les grands chiens. En cas d'agression d'un chien sur un enfant, un examen comportemental minutieux et complet permettra de typer l'agression et donc de porter un diagnostic. Différents éléments entrent en jeu :

· Evaluer la socialisation du chien aux enfants.
Si le chien n'a jamais rencontré d'enfants, il est possible qu'il n'y soit pas socialisé (même s'il l'est parfaitement vis à vis des adultes) ; dans ce cas il faut particulièrement déceler l' agression de prédation. Le chien reconnaît alors l'enfant comme une proie potentielle et ce phénomène est exacerbé si les chiens sont en groupe. Cette agression représente un grand danger car elle ne peut pas être traitée et le chien ne doit pas être conservé. Heureusement elle est rare.

· Evaluer la place du chien dans la hiérarchie.
Si le chien se considère comme dominant, les agressions hiérarchiques peuvent apparaître. Elles concernent aussi bien les adultes que les enfants. Il s'agit d'agressions compétitives : compétition pour de la nourriture, un objet, un endroit particulier (canapé) ou l'attention d'une personne. Dans ce cas, le chien menace en grognant ou en montrant les dents puis il " pince " ou mord brièvement. Malheureusement un enfant en bas age (moins de trois ans) ne décèle pas les menaces et risque davantage de se faire mordre.
Signalons enfin que certains chiens ne reconnaissent aucune hiérarchie. Ce sont de véritables délinquants, très agressifs et très dangereux. On parle de dyssocialisation. Il ne faut pas conserver de tels chiens dans une famille avec des enfants.

· Evaluer la tolérance du chien.
Lorsqu'elle est faible l'animal présente des agressions par irritation. Ce type d'agression est déclenchée par une frustration (nourriture non donnée), la douleur (pincement, tirage de poils, doigts dans les yeux, pathologie douloureuse), la contrainte (maintient forcé de la caresse : enfant qui serre le chien dans ses bras alors que celui ci veut partir !). C'est la forme d'agression la plus courante et elle est plus importante chez les chiens dominants.

· Evaluer l'état émotionnel du chien.
Lors de certains troubles phobiques ou anxieux, des agressions par peur apparaissent, surtout lorsque la fuite est impossible. Cette agression est violente et le chien ne contrôle pas sa mâchoire.
Le chien perçoit l'enfant comme un individu de sa " famille meute " et son attitude va évoluer en fonction de l'âge de l'enfant.

Un bébé qui marche à quatre pattes est pour un chien un être étrange aux gestes incoordonnés et malhabiles. De plus il ne répond ni aux sollicitations du chien ni à son langage. Par ailleurs ce nouveau venu est devenu le centre d'intérèt de la famille, ce qui perturbe obligatoirement les relations entre l'animal et ses maîtres.
Lorsque l'enfant grandit et jusqu'à la puberté il sera assimilé à un chiot dans la hiérarchie. Le chien sera tolérant vis à vis de lui à condition que la hiérarchie soit respectée. En effet, dans la meute, les chiots respectent l'autorité et la préséance des adultes et le chien attend la même chose de l'enfant.
Au moment de la puberté, l'enfant change de statut pour le chien. Il devient un adolescent qui va intégrer la hiérarchie. Le chien voit alors en lui un challenger qui peut prendre sa place. Les conflit peuvent apparaître à ce moment.

Le grand adolescent est quand à lui considéré comme un collatéral dans la hiérarchie. Il y a donc risques de conflits hiérarchiques entre les individus de même sexe. A l'inverse une forte complicité peut s'établir entre un chien et un adolescent de sexe opposé. Il se crée alors un sous groupe hiérarchique et les agressions peuvent être dirigées vers les adultes (les parents).

QUELLE ATTITUDE ADOPTER ?
Avant la naissance
On peut conseiller aux futurs parents d'ignorer les conseils anthropomorphiques allègrement distillés par l'entourage. Un chien n'est pas jaloux, il agit simplement en fonction de son statut hiérarchique. De même il n'y a pas de race parfaite pour les enfants ; le chien idéal est un animal parfaitement dominé et exempt de troubles du comportement. La visite " prénatale " chez le vétérinaire aura donc deux objectifs : évaluer la position hiérarchique du chien et déceler des troubles comportementaux graves.
Le statut hiérarchique du chien sera déterminé en explorant plusieurs points :
a t-il un libre accès à l'alimentation ,
gère t-il l'espace en surveillant les déplacements et en contrôlant les lieux stratégiques ,
gère t-il les contacts sociaux ? Si le chien possède un statut de dominant il conviendra de mettre à profit le temps avant l'accouchement pour modifier la situation. Evidemment cette consultation ne doit pas être réalisée une semaine avant l'heureux évènement !
Certaines affections comportementales peuvent être dangereuses pour les enfants : mauvaise socialisation, troubles phobiques, troubles anxieux. Il faut les déceler avant la naissance pour pouvoir prendre une décision judicieuse.

A l'arrivée de bébé
Il est parfaitement inutile de ramener une couche souillée au chien pour la lui faire renifler ! Un bébé n'est quand même pas assimilable à ses excréments ! De même les rituels de présentations assortis de longues tirades verbales sont inutiles; .
Il ne faut pas évincer complètement le chien, au contraire le laisser gentiment et spontanément flairer le bébé. Le chien doit rester dans son environnement habituel et assister aux interactions parents - enfant.
Il ne faut surtout pas laisser les chiennes monter la garde devant le berceau car la maman risque ensuite de se faire agresser.

QUAND L'ENFANT GRANDIT
Il vaut veiller à maintenir le chien dans un statut social dominé. Malgré cela les règles de prudence élémentaires veulent qu'on ne laisse pas un jeune enfant seul avec un chien (surtout de grande taille).
Il faut également apprendre à l'enfant à respecter le chien : ne pas le poursuivre jusqu'à son lieu de couchage, le laisser tranquille lorsqu'il mange, le manipuler avec douceur, le respecter comme un animal et ne pas le considérer comme un jouet.
Enfin il faudra être vigilant vis à vis de l'adolescent qui veut tester son autorité sur le chien. Même un chien dominé peut présenter des agressions si on ne lui laisse plus d'autre alternative.

Il est bon de rappeler ici qu'on ne peut pas confier l'éducation du chien à un enfant. C'est aux parents de mettre les règles hiérarchiques en place et d'expliquer aux enfants qu 'elles doivent être respectées.

CONCLUSION
Faire cohabiter harmonieusement un chien et un enfant est une chose très facile dès lors que l'on respecte quelques règles. Le chien doit avoir sa place dans le foyer, il doit être parfaitement socialisé, parfaitement hiérarchisé. Ces deux points font partie de l'éducation précoce du chiot et plus tôt ils seront mis en place plus agréable sera la cohabitation.
Il faut malgré tout signaler que vivre avec un chien ne représente pas un risque considérable puisque dans les statistiques le risque de morsure est inférieur au risque d'accidents ménagers pour l'enfant.